D’abord, il ne pourrait pas ne pas être peintre.
Cependant, est-il peintre ou dessinateur ? Dans son œuvre le dessin y trouve son compte sans que la couleur et la matière n’aient à reculer. Ses formes tournent et s’accrochent sans s’effacer ; elles tournent autour d’un point, de moins en moins instable, à l’écoute de l’émotion mais sans lâcher l’idée. Son outil est concret, ouvrier comme l’écriture. La nécessité du dessin c’est de purifier l’atmosphère plastique.
Nous sommes là où se fait notre histoire.
Charles Gouvernet n’est pas l’héritier du désarroi de la peinture. Il enchaîne et tord, il enchevêtre dans la même ondulation des lignes imbriquées dont le prétexte est la vie. En dépit de la complication apparente tout est simple, comme le battement d’un cœur. Ce cœur qui bât dans nombre de ses peintures : couronné, délétère, en dégringolade, submersible.
Il est espagnol, français et italien à la fois. Les entrelacs font irruption brusquement mais se croisent dans un subtile équilibre qui tient les masses entre plâtre, bois et surface.
Charles Gouvernet n’est pas musicien, sa peinture est plastique parce qu’elle juxtapose les formes et les tons sans chercher à les harmoniser ; si l’on y cherchait une loi structurale c’est dans la continuité visible des figures qu’il faudrait l’y chercher, dans ce par quoi l’art peut être méditerranéen. Le détail, même lorsqu’il est abondant, est toujours à sa place. La justesse naît d’une orgie sensible des sensations.
L’atmosphère sentimentale de ses œuvres est plus profonde que complexe, elle apparaît comme dans une bouffée d’images , comme une éruption lyrique qui jaillit avec une fureur retenue.
Il peint à la lueur de l’esprit, creusant des intervalles d’un motif à l’autre avec le trivial pour compagnon.
Comme certains de ses aînés, il a ce don instinctif de faire se mouvoir des saillies qui ouvrent des puits d’ombre et de lumière dans lesquels l’expression est contenue.
Dans certains de ses tableaux il y a des croisements de force, un brassage continu de denrées, d’idées, de pulsions, qui l’entraînent jusqu’au point de tomber, mais toujours il se relève, même titubant, pour continuer à circuler dans la matière pour mieux l’ordonner. Il dit :
“je travaille laborieusement, j’avance à tâtons… J’ai compris que peindre c’est dresser un fil transparent contre toute disparition”.
Croire cela nous placerait au centre de son vertige, au plus près des torsions qui articulent les éléments formels qu’il choisit de nous offrir ; ne pas le croire serait ôter à l’art une part de sa raison profonde.